En me promenant sur la toile, Je suis tombé sur une vidéo d’un chef en démonstration. La cuisson de la crème pâtissière.
Il réalise entre autres, une recette de crème pâtissière devant des élèves. Le chef mélange à froid l’ensemble des ingrédients de la crème pâtissière dans sa casserole, lait, sucre, amidon, jaunes. Puis il cuit l'ensemble. Un élève pose la question :« Pourquoi apprenons-nous à blanchir les œufs avant de les incorporer dans le lait chaud. »
Réponse du chef “ je ne sais pas. Mais cela ne sert à rien. C’est une perte de temps “
J'ai retrouvé mon test de crème cuite que j’avais réalisé pour un cours sur le flan. Beaucoup d'encre coule autour du flan et de la crème pâtissière.
J'ai donc fait le test en comparant deux crèmes pâtissières.
Recette de référence :
1 l de lait entier
180 g de sucre
50 g de farine faible
50 g d’amidon de maïs
120 g de jaunes
Crème 1) Foisonnez les œufs, avec une partie du sucre, incorporez les liants, détendre au lait froid. Portez à ébullition le lait avec l’autre moitié du sucre. Incorporez en filet hors du feu dans le lait bouillant le liant. A ébullition. Cuire 2 minutes.
Crème 2) Dans le lait froid détendre les liants avec le sucre, puis les œufs. Montez en température et portez à ébullition.
Même recette. Même quantité. Même matériel.
Encore une fois. Il y a une différence. Le procédé va être déterminant sur le résultat.
Ce que nous constatons c'est que la recette réalisée de manière dite « classique 1 » donnera une crème souple et fondante, mate et cassante.
La méthode dit « moderne 2 » ou l'ensemble est mélangé au départ, donne une crème brillante, ferme et moins alvéolée.
Alors pourquoi cette différence ?
Points importants.
1) Le fait de verser dans le liquide bouillant le liant et les jaunes déclenche l’éclatement des amidons et leur gélification.
2) Le fait de foisonner les jaunes ou les œufs « selon les recettes » avec le sucre, modifie la structure de l’œuf. En le foisonnant on piège de l’air et on favorise le déroulement des protéines. Le sucre fond, il crée un sirop qui vient augmenter le volume, favorise l’incorporation de l’air et aide au foisonnement. La lécithine du jaune, favorise et stabilise cette émulsion.
3) Le lait froid hydrate les amidons
4) Le fait de foisonner le mélange permet aussi lors de l’incorporation dans le lait chaud de mieux gérer la gélification et de ne pas faire de grains. L’air incorporé au foisonnement protège les éléments d’un contact trop violent de la chaleur, ce qui permet une meilleure gestion.
Le tout, permet d’obtenir une crème mate, cassante et solide, mais aussi fondante en bouche qui permet de disperser les parfums de façon subtile.
A contrario, la méthode moderne, qui consiste à mélanger l’ensemble des éléments et de les faire monter lentement en température, permet aussi d’obtenir une crème plus brillante et moins alvéolée. La dégustation, elle aussi, est différente. Le fait de monter doucement en température joue sur le gonflement des amidons et sur leur gélification. La crème est plus brillante grâce au sucre qui dans le lait constitue un sirop. La crème est d’ailleurs brillante comme les «pastei de nata », ce flan portugais. Les jaunes ont ce rôle de liant mais plus comme ce que l’on retrouve dans une crème brulée. Ce côté crémeux.
Alors voilà, la difficulté de notre métier de pâtissier, c’est que contrairement à la cuisine nous manquons de repères. Nous pouvons trouver dix recettes avec des matières premières différentes pour réaliser cette crème et l’appeler crème pâtissière et pourtant, nous aurons dix résultats différents. Cette mode de revisiter permet nombre d’interprétations. Mon propos n’est pas de critiquer la créativité et la modernisation des recettes. Mais de dire que l’on ne peut pas jeter le bébé et l’eau du bain sous prétexte de modernité parfois sans chercher à comprendre pourquoi telle ou telle technique existait.
Afin d'imager mon passage sur la crème pâtissière . je vous ai retrouvé un schéma de chez Bôcker France . Un dessin vaut mille mots .
formation du gel d'amidon
L'oeuf c'est 73% d'eau. Ici une image qui confirme ce pourcentage. La coquille étant poreuse, l'oeuf se déshydrate et concentre son extrait sec . Nous comprenons mieux pourquoi les oeufs étaient conservés dans une saumure afin que l'eau ne s'échappe pendant les mois de stockage d'hiver . Aujourd'hui les poules pondent toute l'année. Nous n'avons plus besoin de nous préoccuper de cela .
Nous constatons ici que le jaune dispose de plus d'extrait sec que le blanc d'oeuf .
les extraits secs de l'œuf
Le blanc d'oeuf peut être conservé par deshydratation . Ici paillettes de proteines de blanc d'oeuf.
Après une nuit de déshydratation seul reste l'albumine. Ici 30 g de produit sec pour 200 g de blanc d'oeuf.
Cette déshydratation a été lente et douce afin de ne pas abimer et coaguler le blanc . Cette technique reprend ce que nos anciens faisaient en déposant sur le haut du four une boite en fer dans laquelle le blanc d 'oeuf se deshydratait lentement. Ici une méthode plus rapide en vase clos. Les paillettes sont ensuite réservées au sec en boite hermétique.