la Brioche la pétrir avec des œufs ou pas ?

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Lors de la lecture d'un texte sur les œufs , un passage m'a interpellé et il m'a conduit à faire un test pour me permettre de vérifier ce qui était dit et d’émettre ensuite certaines hypothèses. 

Voici le propos de l'auteur . « Dans la pâte , l’œuf n'a guère d'autre effet que d'en accroitre l’humidité. A la cuisson, en revanche, les œufs contribuent à raffermir la structure de la pâte et à affiner les pores du produit qui sont ainsi aérés et augmenté en volume. Du fait qu’il soit plus aéré, le produit séchera aussi plus vite, raison pour laquelle il est recommandé d'ajouter une proportion déterminée de corps gras .»

Très souvent lors de mes formations j'indique que le choix des matières premières est déterminant. Ici ma démonstration consiste à ne changer qu'un élément . La matière première d'hydratation, en respectant le même processus et les mêmes poids.

Le seul paramètre qui change c'est le choix du liquide d’hydratation.. ,œufs ,blancs d’œufs , jaunes plus eau.

La recette de test est basée sur une Hydratation à 70 %
Autolyse de 20 minutes. Fin de pétrissage à 23°c. Pointage 30 minutes sans adjonction de matière grasse.
Les résultats sont intéressants. 

1) Les pâtes n'ont pas du tout la même consistance et la même main. 
2) Pas la même couleur .
3) Pas la même tenue.
4) Pas le même développement , 
5) pas la même couleur de croute.

Alors pourquoi la mie de la pâte pétrie aux œufs, sèche ? l’œuf contient plus d’extraits secs, de matières grasses, et d’émulsifiant le tout modifiant la texture de la pâte.
Lorsque les pâtes sont pétries elles ont un aspect différent, des élasticités différentes et un développement au four différent.
Dans les résultats de développement .le jaune et l'eau donnent le meilleur développement et la mie est la plus souple.
En comparaison:
                               

 L'œuf entier donne une structure différente à la pâte, elle est plus extensible. Elle développe plus sous forme « d’obus » la couleur est brune en surface et la mie est souple mais plus résistante que la pâte pétrie à l'eau.




Au blanc d’œuf, la pâte est collante mais élastique. A la cuisson elle développe peu. Sa structure est serrée. La pâte sèche vite. La croute est très lisse en surface et colorée.



 

Au jaune et à l’eau la pâte a une bonne main. Elle développe plus que les autres .La croute est plus foncée que celle aux œufs entiers et la mie est plus jaune et plus souple.
En conclusion. Nous constatons que le blanc rend les pâtes plus tenaces et qu’elles sèches plus après cuisson. 
Que le jaune seul colore et assouplit les pâtes et favorise le développement .
Et que le propos tenue en préambule semble exacte , le fait de pétrir avec que des œufs assèche la mie et qu'il est en effet souhaitable de l’accompagner d'un corps gras.
Concernant le blanc d'œuf nous comprenons mieux pourquoi dans certaines pâtes , comme celle des pâtés on retrouve Le blanc d’œuf dans les recettes .Les pâtes bougent moins et sèches plus .
 





La poursuite des tests sur l'action de l'œuf sur les pâtes indique un rôle indispensable pour certaines fabrications. Après avoir vérifié que l'œuf avait ce rôle déterminant pour une brioche à tête sur sa structure et son développement au four
La question qui se pose : une pâte pétrie à l’eau ou à l’œuf avec du beurre, quel est le résultat ?

le blanc d'œufs donne du corps à la pâte
Tests : eau, œufs, blancs d'œufs, lait , crème , jaune et eau

 

Une pâte pétrie à l'eau dans laquelle on incorpore du beurre se travaille très bien.

La photo montre une pâte beurrée pétrie à l'eau et l’autre pétrie aux œufs. Les produits n’ont pas été dorés et le travail s’est fait en direct, le produit à l’eau gonfle moins et le produit se déforme plus en moule.
Ce qui est intéressant c’est la texture du produit après cuisson et son comportement pendant la cuisson. La pâte à l’eau cuite en moule se déforme. L’eau qui s’échappe aide à la déformation du produit en moule et empêche la déshydratation de la croûte. A la différence, l’œuf, lui, aide à la tenue de la pâte et grâce à ses propriétés, elle gère mieux son humidité. Le jaune et le blanc gélifiant à deux températures différentes en cuisant, Contrairement à l’eau, la croute aux œufs est différente elle est plus épaisse solide et le produit est plus bombé.




En bouche les produits sont aussi différents. La brioche à l’eau est croustillante, avec une sensation de beurre plus présent que la brioche aux œufs. La mache est aussi différente. Légèrement filante, moins fondante, car plus résistante en bouche. En revanche le goût du beurre est, seul à parfumer la pâte, aucun autre ingrédient pour partager son arôme. Ce qui est aussi très agréable quand le beurre est de qualité.
Je rappelle que dans ce test. Seul un élément est changé, l’hydratation à poids égal. 




La brioche pour moi, est un produit identique aux fromages en France. Il y a autant de recette de brioche que de région et de pâtissier. Elle est le reflet de la richesse de sa région, de ses matières premières et de sa culture.
En 1630 quelqu’un eu l’idée de mettre plus de sel et du lait dans le pain jusqu’à lors pétrie à l’eau 
N’oublions pas que ce n’est qu’en 1440 que la corporation des pâtissiers enleva le droit au boulanger de faire des gâteaux. Les pâtissiers étaient alors spécialistes des pâtes de viande, de poisson et autres tartes, ils eurent le droit de faire des pâtes fermentées et autres gâteaux pour les fêtes religieuses jusque-là réalisés par les boulangers. C’est dans le nord de la France que la proportion de beurre est la plus importante dans la brioche. J’ai d’ailleurs une pensée pour mon ami Bruno Leroux spécialiste du gâteaux Battu en Picardie brioche qui contient autant de beurre que de poids de pâte.
Etant parisien, parlons de la brioche à tête. Elle est un bon exemple. Riche de sa farine et de ses fermes alentours, cette ville des rois se devait de contenir dans sa recette les produits regroupant nombre de symboles. L’œuf au cours de l’histoire de France a une relation toute particulière avec la religion, les papes et les rois. 
La brioche s’achetait le dimanche jour du Seigneur. Car là aussi depuis les romains, le partage du pain lors des cérémonies religieuses est toujours présent. Mme Maguelonne Toussaint Samat retrace dans cet excellent livre Histoire Naturelle & morale de la Nourriture, la place que les œufs de poule et du pain ont dans notre civilisation. Dans son Livre la maison des autres, Bernard Clavel évoque ce cérémonial du pétrissage de la brioche en fin d’après-midi avant le weekend lorsqu’il était de garde. De son pointage en cave couvert d’un linge et de son rabat avant d’aller se coucher.
Le façonnage se faisait au petit matin quand le laboratoire était encore frais. Souvent en moule mais aussi sur plaque. On remarquera que la brioche en moule sèche moins vite que celle qui est cuite sans moule.
Et si nous finissions sur une hypothèse supplémentaire. Pourquoi une brioche à tête ? Pourquoi cette forme ? A-t-elle été créé pour ressembler à quelque chose ou quelqu’un ? Les moines et les sœurs ont beaucoup crée de produits de pâtisserie que nous réalisons encore aujourd’hui. A la regarder de près cette brioche ressemble curieusement à une autre pâtisserie. La religieuse.
Bon c’est sûr, les temps changent. Nos religieuses dans le civile ne sont pas comme cela. Mais dans le privé… bon je dérape, je plaisante. ( voir photo) N’ayant que cette photo de religieuse sous le clavier elle fera l’affaire pour vous soumettre ma remarque.
La brioche à tête, la religieuse, la religieuse montée, la pièce montée en cône toutes en hommage aux sœurs des églises et monastère. Et pourquoi pas un hommage à la sainte vierge Une fois de plus nos vielles pâtisseries nous rappellent notre histoire et nos croyances et l’attachement de la gastronomie à son époque et ses rites.

Alors à très vite.